SYNTHESE
Par courrier en date du 18 décembre 2017, le Premier ministre a confié au Conseil d'Etat la réalisation d'une étude sur la règlementation applicable en matière d'information et de publicité aux professionnels de santé. En effet, cette réglementation complexe soulève de nombreuses questions au regard de sa compatibilité avec le droit de l'Union européenne, de son adéquation avec les attentes légitimes de la population et de son adaptation à l'économie numérique et à ses multiples vecteurs (sites internet, e-santé ).
Un groupe d'étude a été constitué pour mener la réflexion sur ce thème. Il a rassemblé des membres du Conseil d'Etat, des représentants de l'administration et de l'université. Il a procédé à des auditions, notamment des ordres professionnels et des syndicats professionnels des professions de santé, de représentants des établissements de santé publics et privés, d'associations de patients, de l'Autorité de la concurrence et de la Caisse nationale d'assurance maladie. L'étude a enfin été adoptée par l'assemblée générale plénière du Conseil d'État le 3 mai 2018.
Au terme de ces travaux, le Conseil d'Etat relève que la réglementation interdisant la publicité directe ou indirecte aux professions de santé est susceptible d'être affectée par l'évolution de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. De plus, l'encadrement strict des informations que les praticiens peuvent aujourd'hui rendre publiques ne paraît plus répondre totalement aux attentes d'un public demandeur de transparence sur l'offre de soins. Enfin, l'essor rapide de l'économie numérique a rendu obsolètes certaines des restrictions actuelles en matière d'information dans le domaine de la santé.
Le Conseil d'Etat formule 15 propositions pour enrichir les informations susceptibles d'être communiquées au public par les professionnels de santé sur leurs compétences et pratiques professionnelles ainsi que sur les honoraires et les coûts des prestations.
Synthèse des 15 propositions
Proposition n° 1 – Prévoir la faculté pour les professionnels de santé, dans le respect des règles déontologiques, de communiquer au public des informations sur leurs compétences et pratiques professionnelles, leur parcours professionnel, des informations pratiques sur leurs conditions matérielles d’exercice ainsi que des informations objectives à finalité scientifique, préventive ou pédagogique et scientifiquement étayées sur leurs disciplines et les enjeux de santé publique.
Proposition n° 2 – Rendre obligatoire, dès la prise de rendez-vous, la diffusion, sur tout support, des informations économiques précises dont l’article R. 1111-21 du code de la santé publique impose déjà l’affichage dans les salles d’attente ou lieux d’exercice.
Proposition n° 3 – Favoriser le développement de la communication des pharmaciens auprès du public, afin de l’assister dans le parcours de soins, sur la gamme des prestations qu’ils peuvent délivrer et leur qualité, leur certification quant à la dispensation des médicaments, la validation de leur formation professionnelle continue ainsi que leur appartenance éventuelle à des groupements d’officines ou à d’autres réseaux professionnels. Ces informations à caractère objectif et informatif pourraient être diffusées par tout support, et en particulier sur les sites Internet des officines.
Proposition n° 4 – Imposer aux professionnels libéraux venus d’autres États membres, auxquels un accès partiel à l’exercice de certaines activités a été accordé au titre de l’article L. 4002-5 du code de la santé publique, d’informer préalablement le public, par tout support, de la liste des actes qu’ils ont été habilités à effectuer.
Proposition n° 5 – Supprimer l’interdiction de la publicité directe ou indirecte dans le code de la santé publique et poser un principe de libre communication des informations par les praticiens au public, sous réserve du respect des règles gouvernant leur exercice professionnel.
Proposition n° 6 – Imposer, par des dispositions expresses, que la communication du professionnel de santé soit loyale, honnête et ne fasse état que de données confirmées, que ses messages, diffusés avec tact et mesure, ne puissent être trompeurs, ni utiliser des procédés comparatifs, ni faire état de témoignages de tiers
Proposition n° 7 – Inviter les ordres à encourager les professionnels de santé à davantage communiquer au public, conformément à leurs recommandations, de manière à éviter toute « auto-proclamation » non vérifiée de spécialités, pratiques ou parcours professionnels.
Proposition n° 8 – Prévoir que les nouvelles informations diffusées par les professionnels de santé le soient par tout support adéquat n’étant pas de nature à rendre cette diffusion commerciale. Les codes de déontologie pourraient confier aux ordres le soin de préciser, par des recommandations, les conditions dans lesquelles ces modes de publication seraient déontologiquement admis.
Proposition n° 9 – Inciter les professionnels de santé, dans le cadre de leur formation initiale et continue, à davantage utiliser les outils numériques pour communiquer sur leurs expériences et pratiques professionnelles et intervenir efficacement sur tout support afin de répondre aux fausses informations ou approximations concernant la protection de la santé publique.
Proposition n° 10 – Moderniser et harmoniser les rédactions des dispositions des codes de déontologie relatives au contenu et aux procédés de diffusion des informations.
Proposition n° 11 – Les pouvoirs publics pourraient inclure, en accord avec les professionnels de santé, sur leurs sites numériques, le cas échéant par des liens hypertextes, les informations que ces professionnels communiqueraient au public volontairement ou obligatoirement. Les professionnels de santé seraient autorisés à diffuser au public les informations les concernant rendues publiques par les sites numériques des administrations. Les sites d’information mis en ligne par les pouvoirs publics gagneraient à être davantage coordonnés afin d’en accroître le référencement numérique et d’en améliorer l’accessibilité.
Proposition n° 12 – Veiller, au besoin en insérant des clauses en ce sens dans les conventions conclues avec l’assurance maladie, à ce que les établissements de santé ne placent pas les professionnels de santé qui y travaillent en contradiction avec leurs obligations déontologiques en matière de communication au public et puissent faire l’objet de rappels à la loi à cet effet.
Proposition n° 13 – Suggérer aux ordres de proposer que soit ajoutée à leur code de déontologie une formule inspirée de l’article R. 4321-124 du code de la santé publique relatif aux masseurs-kinésithérapeutes, qui distinguerait les activités relevant du monopole, pour lesquelles la libre communication serait encadrée, de celles qui n’en relèvent pas, pour lesquelles la publicité serait autorisée sous certaines conditions.
Proposition n° 14 – Mettre en place des outils d’évaluation des effets de la publicité ou de la communication commerciale sur les dépenses de santé ainsi que des effets induits, à terme, sur l’offre de soins en France par la concurrence entre prestataires au sein de l’Union européenne et dans le reste du monde.
Proposition n° 15 – Proposer aux États membres de l’Union européenne une concertation en vue d’une meilleure coordination des législations nationales fixant les règles applicables aux professionnels de santé en matière de communication, à partir d’un livre vert de la Commission.
CONCLUSION
Évoluant dans un milieu caractérisé par la complexité et la spécialisation croissante de l’offre de soins et soumis à une exigence de résultat toujours plus forte dans une société dans laquelle l’aléa et le risque sont de moins en moins bien acceptés, les professionnels de santé doivent aujourd’hui, dans l’intérêt de la santé publique, pouvoir communiquer davantage d’informations au public, dans le respect des principes déontologiques communs à leurs professions. Une telle évolution, qui pourrait être portée par l’affirmation d’un principe de libre communication des informations sans que soit remis en cause le caractère non commercial de ces professions, apparaît d’autant plus souhaitable qu’elle pourrait contribuer à un meilleur équilibre des relations entre professionnels et patients, en réduisant les déficits d’information qui nuisent à la protection de la santé des personnes. Aussi utiles soient-ils, les changements suggérés par cette étude, qui ne pourront porter leurs fruits sans une action déterminée et étroitement concertée de la part des pouvoirs publics et des ordres, ne sauraient, en tout état de cause, dispenser, à l’avenir, d’une réflexion plus générale sur les enjeux économiques de la communication dans le domaine de la santé dans un contexte marqué par la mondialisation des prestations et la multiplication des acteurs, dont témoignent notamment l’éclosion, en quelques décennies, de nouvelles professions de santé réglementées ainsi que le rôle croissant des métiers techniques, du fait de la place de plus en plus importante de la technologie dans ce secteur.